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Cinquième Colonne (Saboteur) est l'un des premiers films américains d'Alfred Hitchcock. Sorti en 1942, il a pour vedette Robert Cummings et Pricilla Lane. Génèse du projet ![]() C'est David O. Selznick qui est à l'origine du projet en souhaitant produire l'histoire de Cinquième Colonne imaginée par Alfred Hitchcock. Il engage Joan Harrison avec qui il avait déjà travaillé sur Rebecca pour écrire le scénario. Elle se retire peu de temps après pour écrire Les Mains qui tuent, film qu'elle produira et c'est Peter Viertel qui est engagé pour finir le scénario. Cependant en novembre 1941, Selznick tente de vendre le film à plusieurs sociétés de production car jugeant le scénario médiocre, il ne souhaite plus le faire lui-même. Il éprouve des difficultés à trouver preneur et c'est finalement Frank Lloyd et Jack H. Skirball qui se portent acquéreur pour 20 000 $. Le film rentre en phase de production au moment où la guerre éclate aux États-Unis avec l'attaque sur Pearl Harbor. Les critiques commencent à s'abattre sur Alfred Hitchcock et les britanniques qui ne rentrent pas en Angleterre, aussi en guerre. Les États-Unis en guerre, il est alors impossible de prévoir des scènes dans les usines qui sont en pleine production militaire. Le film doit être fait en studio. Les personnages Avant de se retirer du projet, Selznick arrête son choix sur Gene Kelly pour jouer le rôle principal. Alfred Hitchcock, quant à lui, souhaite engager Gary Cooper et Barbara Stanwyck mais Universal Pictures et les producteurs Frank Lloyd et Jack H. Skirball choisissent Robert Cummings et Priscilla Lane sans son approbation. Cinquième Colonne est pour Cummings son premier film dans le cadre d'un nouveau contrat qu'il vient de signer avec Universal. Priscilla Lane, qui est quant à elle sous contrat avec la Warner Bros., rate le début du tournage à cause du prolongement de celui d'Arsenic et vieilles dentelles de Frank Capra dans lequelle elle tient la vedette avec Cary Grant. ![]() ![]()
Virgil Summers fait partie de l'équipe technique du film en qualité de best boy et est remarqué par Hitchcock qui le choisit pour jouer la victime de l'incendie au début du film.
Trois équipes travaillent simultanément pour filmer Cinquième Colonne. Alfred Hitchcock, avec l'équipe principale, travaille dans les studios d'Universal Pictures tandis que Vernon Keays et Charles Van Enger, respectivement réalisateur et directeur de la photographie de la seconde équipe, filment des extérieurs à Lone Pine en Californie. Une troisième équipe dirigée par John P. Fulton, le responsable du département des effets spéciaux chez Universal, filme les scènes avec Norman Lloyd à New York. D'autres scènes sont également filmé dans un désert de l'Arizona. ![]() Comme à son habitude, Hitchcock fait une apparition furtive dans son film. Pour le tournage de sa petite scène il demande à Carol Stevens, sa secrétaire de l'époque, de jouer ce qu'il a mit au point. Norman Lloyd se souvient : « Ils devaient jouer des sourds et muets marchant dans la rue. Hitchcock devait utiliser la langue des signes et Stevens devait le gifler en retour car il lui aurait fait une proposition peu convenable ». La scène est alors tournée mais n'est pas retenue car les dirigeants du studio ne trouve pas correct de donner une telle image de personnes handicapées. Il se résigne finalement à faire une simple apparition visible à la 55e minute dans une rue de New York lorsque la voiture des comploteurs s'arrête près d'un kiosque à journaux. Effets spéciaux Compte tenu d'un budget serré, Hitchcock et son chef décorateur Robert F. Boyle (avec lequel Hitchcock débute une longue et fructueuse collaboration) retrouvent la nécessité d'user de tous les trucages éprouvés durant la période anglaise. On pense tout particulièrement aux 39 Marches dont ce film emprunte clairement la construction. Hitchcock imagine un procédé simple pour donner l'impression de personnes s'envolant. Il filme de haut en bas toutes celles censées se trouver près du bateau lors de la tentative de destruction du saboteur, donnant ainsi l'illusion qu'elles sont projeté en l'air par le souffle de l'explosion. Un peu plus tard dans le film, le saboteur aperçoit le bateau sur le flan qui est en fait le Normandie filmé par la télévision lors de son incendie dont les images ont été réutilisé par Hitchcock. L'U.S. Navy se retourna contre Universal, l'accusant d'insinuer que le paquebot avait été la cible d'un sabotage. Cet apport d'un Hitchcock opportuniste et réactif est souvent mis en avant pour discuter du bien-fondé du mythe du « film construit le papier » entretenu par le réalisateur. Lors de la séquence où les héros se cachent dans la caravane du cirque, Alfred Hitchcock utilise la perspective forcée pour donner l'impression d'un grand nombre de roulottes lors de la fouille par les policiers. Dans le plan où l'on voit toute la caravane, c'est en fait des hommes de petites tailles que l'on voit fouiller des petites roulottes dans le fond. Quand ils arrivent au premier plan, au niveau de la dernière voiture, se sont des policiers de taille « normale » qui rentrent dans une roulotte grandeur nature. Pour la chute du saboteur, c'est en fait la caméra qui s'élève à douze mètres de hauteur. L'acteur est lui sur un siège et simule la chute par des gestes. Le montage effectué donne l'impression que le saboteur tombe de la Statue de la Liberté. L'épilogue Le film terminé, Alfred Hitchcock éprouve un regret : c'est d'avoir suspendu le saboteur au bras de la Statue de la Liberté plutôt que le héros. Il pensait que le public se serait plus identifié à Barry Kane s'il avait été à la place du méchant. Le première du film est programmée le 15 avril 1942 à Washington mais doit être finalement retardée d'une semaine en raison d'évènement liés à la guerre. C'est finalement le 22 avril 1942 qu'Alfred Hitchcock, accompagné de Robert Cummings et Priscilla Lane, présente le film devant 80 sénateurs et 350 membres du Congrès des États-Unis. Film réalisé durant la période la moins fastueuse du réalisateur qui ne s'est pas encore imposé aux États-Unis, Cinquième Colonne n'en reste pas moins un film très important pour Hitchcock du fait de sa réussite commerciale dans un contexte difficile où le marché européen est fermé. Première étape dans l'affirmation de sa singularité et de son indépendance qu'il concrétise l'année suivante avec le même producteur indépendant. C'est en effet avec L'Ombre d'un doute, qu'Hitchcock s'épanouit enfin en tant que « réalisateur américain ». Sources : Mise en ligne : 16 mars 2009 |