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Les Aventures de Robin des Bois (The Adventures of Robin Hood) est un film d'aventure américain réalisé par Michael Curtiz et William Keighley, inspiré des légendes de Robin des Bois. Sorti en 1938, ce film, tourné en Technicolor, met en scène l'un des couples mythiques de cette époque : Errol Flynn et Olivia de Havilland.


Genèse du projet


Dans les années 30, la Warner Bros. est réputée pour ses films de gangsters tel que L'Ennemi public (The Public Enemyou Le Petit César (Little Caesar). Lors de la mise en application du Code Hays en 1934, tout les studios doivent faire des films où sont bannis la violence et l'obscénité. Catalogué comme productrice de comédies musicales et de films de gangsters, la Warner veut profiter de cette restriction pour changer son image en explorant de nouveaux genre cinématographiques. Le premier « nouveau » projet du studio est l'adaptation de la pièce de William Shakespeare, Le Songe d'une nuit d'été, joué par des « acteurs maison » comme James Cagney ou Joe E. Brown et qui sont alors des habitués aux films de gangsters. C'est Dwight Franklin, un consultant historique et costumier du studio, qui a travaillé sur ce film, qui soumet l'idée d'adapter les légendes de Robin des Bois avec James Cagney dans le rôle-titre. Le studio est aussitôt intéressé.
 
De son côté, la Metro-Goldwyn-Mayer rencontre le succès avec La Fugue de Mariette (Naughty Marietta) de W.S. Van Dyke et souhaite continuer dans cette voie en faisant d'autres comédies musicales. Le studio pense alors à mettre en scène l'histoire de Robin des Bois et achète des scénarios originaux à Edward Small, un producteur indépendant. Quant à elle, la Warner Bros. retrouve dans ses tiroirs les droits de Robin Hood, l'opéra-comique de Reginald de Koven. Les deux studios négocient alors afin que chacun obtienne ce qui l'intéresse : la MGM récupère donc les droits de l'opéra en échange des scénarios de Small qui serviront de base de travail pour le futur film de la Warner.
 
La Warner Bros. engage Rowland Leigh pour écrire une première version du scénario mais Hal B. Wallis, le producteur délégué du film, n'est pas satisfait par ce premier jet. En effet, le script de Leigh met de côté le personnage de Lady Marian sous prétexte qu'elle n'apparaît pas dans la légende et les ballades originales contant les aventures de Robin des bois . Le langage « fleuri » utilisé par le scénariste en est de trop et décide Wallis d'engager Norman Reilly Raine pour reprendre la suite de Leigh. Raine est ensuite associé à Seton I. Miller, un scénariste sous contrat avec le studio. Les deux scénaristes débutent alors leurs recherches et préparatifs nécessaires à l'écriture de leur histoire.
 
 
Les comédiens

Le choix d'Errol Flynn
Le début de production se déroule comme il faut mais le temps passe et James Cagney rentre en conflit avec le studio, avec qui il refusera de travailler les deux années et demi suivantes, laissant le rôle de Robin des Bois vacant. Environ trois ans après le lancement du projet de Robin des Bois, sort Capitaine Blood (Captain Blood) qui devient un vrai succès, propulsant son interprète principal, Errol Flynn, sur le devant de la scène. Le studio jette alors son dévolu sur la star du moment pour jouer Robin des Bois .
 
Lady Marian
Olivia de Havilland, qui vit une idylle avec Errol Flynn à ce moment là, est choisie pour interpréter le rôle de Lady Marian . Avant ça elle avait joué principalement dans des séries B du studio avant d'être révélée dans Capitaine Blood avec qui elle partage déjà l'affiche avec Flynn. Les Aventures de Robin des Bois est le troisième des huit films avec le couple Flynn-de Havilland.
 
Des années après la sortie du film, Olivia de Havilland s'en dit très fière même s'il n'avait pas été considéré comme prestigieux par la Warner, comme tous les films de Flynn. Celui-ci en était d'ailleurs blessé. Après avoir revu le film, de Havilland décida d'écrire une lettre à Errol Flynn, qu'elle n'a pas vu depuis plusieurs années, afin de lui dire à quel point le film est aimé des gens. Elle commence donc sa lettre mais se dit finalement : « Non, il va me trouver trop sentimentale, trop idiote... trop vieille. Je ne vais pas écrire ». Trois semaines plus tard, elle apprend la mort de l'acteur. Ne pas avoir écrit cette lettre est devenu son plus grand regret.
 
Le cheval que de Havilland monte durant le film est une future vedette de western, Trigger (« gâchette » en français). Prénommé Golden Cloud (« nuage d'or ») à ces débuts, il sera qualifié de « cheval le plus intelligent du cinéma » après ses performances avec Roy Rogers.
 
Les « méchants » du film
Robin des Bois est confronté à trois adversaires dans le film : le Prince Jean, Sire Guy de Gisbourne et le Shérif de Nottingham. Sire Guy de Gisbourne est interprété par Basil Rathbone, un acteur reconnu de la scène américaine. Au cinéma il a fait sa réputation en jouant soit les héros, soit les bandits. Jamais de demi mesure. Son interprétation permet une confrontation aussi bien d'esprit que d'épée avec Robin.
 
Claude Rains, que l'on reverra dans Casablanca, joue le Prince Jean dont le but est de s'emparer de la couronne d'Angleterre sans se salir les mains. Pour interpréter le Prince, Rains s'est dit qu'il « serait un rien faible », faisant de lui l'opposé de Sire Gisbourne . Son jeu est des plus fins, mêlant « connivence et infamie tout en restant charmant ».
 
Le trio est complété par Melville Cooper qui joue le comique Shérif. Son rôle est très significatif de sa carrière cinématographique : secondaire mais pittoresque.
 
Les amis de Robin
À l'origine du projet, c'est David Niven qui doit jouer Willy l'écarlate mais étant en Angleterre au moment du tournage, il n'est finalement pas disponible et est remplacé par Patric Knowles.
 
Petit Jean est joué par Alan Hale qui avait déjà interprété le rôle dans la version muette de Douglas Fairbanks en 1922. En plus d'être un proche de Flynn, Hale a le physique recherché pour Petit Jean . En effet la production voulait un acteur au moins de la même taille qu'Errol Flynn, voire plus grand. Alan Hale jouera ce rôle pour la troisième fois dans La Revanche des Gueux en 1950.
 
                                                    


Les réalisateurs
 
La Warner décide de confier le film à un réalisateur sous contrat avec elle, William Keighley qui a déjà travaillé avec Flynn sur Le Prince et le Pauvre (The Prince and the Pauper) un peu plus tôt. Keighley est également le réalisateur qui a fait le premier film en Technicolor trichrome de la Warner, God's Country and the Woman.
 
Keighley débute le tournage mais au bout de quelques semaines il commence à tourner des « petites » scènes de transition afin de souffler un peu. Alors que les coûts de production s'envolent et que du retard s'accumule à cause de pluies, le studio décide de visionner les rushes. Jack Warner et Hal B. Wallis estiment alors que le film n'a pas le style ni le panache qu'ils souhaitent. Après six semaines de travail, ils décident de remplacer William Keighley par Michael Curtiz afin de donner un nouvel élan au tournage. Le réalisateur hongrois était le premier choix de Hal B. Wallis mais engagea Keighley sous la pression de Flynn.
 
Curtiz, en plus de tourner ce qui n'a pas été encore fait, reprend également certaines scènes que William Keighley avait tournées à Chico afin de les améliorer. Pour cela il emmène son équipe non loin de Los Angeles, à Lake Sherwood en Californie, là où Douglas Fairbanks avait tourné son Robin des Bois. Le réalisateur réussi à insuffler une nouvelle énergie aux techniciens et aux acteurs, n'hésitant pas à malmener ses vedettes comme lors d'une scène sentimentale où il crie à Errol Flynn : « Ne la tenez pas comme une pomme de terre chaude ! Écrasez-la ! Vous lui briserez peut-être une côte ! C’est très bien si ça donne une bonne scène ! » Michael Curtiz finit son tournage au bout de trois mois, représentant un mois de retard sur le planning prévu.


Un film de capes et d'épées ambitieux
 
L'idée de faire des films en couleur à cette époque n'est pas neuve mais la contrainte technologique rebute les studios. La Warner décide malgré tout d'utiliser le procédé Technicolor, surtout utilisé pour des comédies musicales, afin d'annoncer un film qui sera ambitieux.
 
Cette ambition de faire des Aventures de Robin des Bois un grand film est démontré par les moyens mit à disposition pour son élaboration. Énormément de cascadeurs et beaucoup de préparation sont nécessaire afin de montrer à l'écran des scènes d'escrime, un combat au bâton et des séquences de tir à l'arc.
C'est Fred Cavens qui prépare les acteurs au combat d'épées. À cette époque, il est le maître d'armes que tout Hollywood veut et c'est lui qui a défini ce que devait être un beau duel au cinéma. Pour lui, c'est un véritable duel où tout est exagéré qui doit être montré aux spectateurs et non une démonstration d'escrime.
Pour les scènes de tir à l'arc, la production fait appel à Howard Hill qui est considéré comme l'un des plus grands archers contemporains et qui a la réputation de ne jamais rater sa cible. Il est donc chargé de viser les cascadeurs qui sont protégés par une plaque de fer. Par dessus cette plaque est installée une couche de balsa qui permet à la flèche de se planter pour simuler une flèche plantée dans le torse de l'acteur.

Malgré ce que prétend Eroll Flynn, il n'est pas l'auteur de l'intégralité de ses cascades. En effet, pour des raisons de sécurité, Jack Warner refuse de prendre le moindre risque avec sa star. C'est donc Buster Wiles qui double Flynn dans la scène où Robin accède au haut de l'entrée de la forteresse par une corde. La suite de la séquence, la descente en rappel de l'autre côté du mur, est assurée par Post Park qui se tord la cheville en voulant se réceptionner au sol après la chute programmée de plusieurs mètres.
À la fin du film, c'est Fred Graham qui double Basil Rathbone lors de sa chute à la renverse arrière à la fin du duel entre Robin des Bois et Sire Gisbourne.
 
Malgré une restriction financière, la production décide de tourner durant six semaines à près de 600 km du studio dans le parc naturel de Chico en Californie. Le parc n'ayant aucun rocher, la production doit en faire venir. Le tournage en automne, les feuillages sont peints afin de paraître plus verdoyants et tout pleins d'accessoires (comme des faux troncs d'arbre) sont installés et disposés au premier plan.
Le tournoi de tir à l'arc est, quant à lui, filmée aux Busch Gardens de Pasadena où sera plus tard tournée la scène de barbecue dans Autant en emporte le vent (Gone with the Wind).
 
Milo Anderson crée des costumes qui ne sont pas tout à fait représentatifs du XIIe siècle dans lequel le film se déroule mais reste malgré tout vraisemblables. Olivia de Havilland, qui a l'habitude de faire ses propres recherches, suggère quelques idées qui lui permettent de lier une esthétique historique à une autre contemporaine (fin des années 30 en l'occurrence). À cette époque, les acteurs portent presque systématiquement une perruque pour jouer leur rôle et ce film ne déroge pas à cette habitude. Cependant Errol Flynn détestant celle dont on veut l'affubler, écrit une lettre à Hal B. Wallis. Dans cette lettre, il lui fait part de son mécontentement et y ajoute le dessin d'un modèle qui l'a dessiné et lui conviendra mieux. Wallis décide de contenter Flynn et fait fabriquer une nouvelle perruque.


La bande-son

Le son, qui est habituellement plutôt négligé, fait l'objet d'une grande attention de la part de Hal B. Wallis. Ainsi pour obtenir un bruitage spectaculaire, la production enregistre le son des flèches de Howard Hill afin de les introduire sur la bande son du film. En effet Hill utilise un arc avec une énorme tension ainsi que des flèches au diamètre plus important que les habituelles et agrémentées de ce qui est appelé « plume d'indien », le tout donnant un sifflement particulier une fois en action.
 
Pour composer la musique du film, la production choisit Max Steiner, l'un des compositeurs les plus prolifiques du studio. Les producteurs changent finalement d'avis au dernier moment et confient le travail à Erich Wolfgang Korngold qui n'est pourtant pas coutumier à la composition de musique « d'action ». Avant ce film, Korngold a déjà composé la musique d'un film avec Errol Flynn, Capitaine Blood, mais il travaille surtout sur des concerts et des opéras. Les producteurs Henry Blanke et Hal B. Wallis envoient un télégramme à Korngold, qui était en pleine préparation pour un spectacle à Vienne et qui a finalement été reporté, pour lui proposer de faire la musique des Aventures de Robin des Bois. Erich Wolfgang Korngold part aussitôt pour les États-Unis et commence à réfléchir dans le bateau puis le train qui le mène à destination à ce qu'il entreprendra. Une fois à Los Angeles, il visionne le film mais avoue être incapable de composer pour ce genre de film et qu'il ne le fera pas. Le studio demande alors à Leo Forbstein, le responsable du département musique du studio, de convaincre Korngold. Au même moment, l'Allemagne nazie annexe l'Autriche et pousse le compositeur à rester aux États-Unis avec sa famille qui le rejoint in extremis. Korngold, accepte finalement de composer pour le film et dira ensuite : « j'ai eu la vie sauve grâce à Robin des Bois ». Il compose et dirige lui-même une musique qui est encore considéré comme une grande réussite.
 
 
La réception du public

Après un tournage plus long et plus cher que prévu, le film est enfin finalisé. Malgré ce long délai et tout cet argent dépensé, la production est satisfaite du film car elle est consciente d'avoir réalisé une « super-production ». Le film complètement terminé a finalement coûté 2 millions de dollars, ce qui équivaut aujourd'hui à plus de 30 millions, et devient le film le plus coûteux de la Warner.
 
L'avant-première des Aventures de Robin des Bois a lieu à Pomona en Californie. Cette première est originellement organisée pour jauger le public afin de connaître les éventuels points à améliorer ou savoir s'il faut mettre le film de côté mais après la projection, les spectateurs sont si enthousiastes que le film ne sera pas du tout modifié. La Warner, persuadée du succès, décide d'organiser une autre avant-première au Warners' Theater qui obtient un succès encore plus grand qu'à Pomona. Une projection est ensuite organisée à Hollywood pour la presse et le public qui confirme que Les Aventures de Robin des Bois sera un « carton ». Fort de son succès public, le film est nominé pour quatre Oscars dont celui du meilleur film. C'est finalement Vous ne l'emporterez pas avec vous de Frank Capra qui remporte l'Oscar du meilleur film mais Robin des Bois n'est pas en reste avec trois statuettes : Erich Wolfgang Korngold remporte l'Oscar de la meilleure musique de film, Carl Jules Weyl celui des meilleurs décors et Ralph Dawson celui du meilleur montage.
Sur les 51 films réalisés par la Warner cette année là, Les Aventures de Robin des Bois est celui qui rapporte le plus d'argent.

Dix ans après sa sortie initiale, en 1948, la Warner ressort le film dans une nouvelle copie Technicolor et rencontre encore un grand succès. Un succès qui perdure encore aujourd'hui...

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Sources :
Documentaire, Welcome to Sherwood! The Story of « The Adventures of Robin Hood » de Jeff Kurtti ;
Livre, Tous les chemins mènent à Hollywood : Michael Curtiz de René Noizet ;
Livre, Le Cinéma d'Aventures de Patrick Brion ;
Livre, La Fabuleuse histoire de la Warner Bros. de Clive Hirschhorn ;
Livre, Chronique du cinéma de Jacques Legrand, Pierre Lherminier et Laurent Mannoni ;
Wikipédia où je suis le principal auteur de la page consacré au film sous le pseudonyme In the laps of the gods.

Mise en ligne : 16 mars 2009
Mise à jour : 7 mai 2009