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Blanche Neige et les Sept nains (Snow White and the Seven Dwarfs) est le premier long métrage d'animation des studios Disney. Réalisé sous la houlette de Walt Disney par David Hand, cette adaptation du conte Blanche Neige des frères Grimm est sorti en 1937 après de longs mois de travail. Ce chef-d'œuvre a permis à l'animation, mais aussi au cinéma en général, de faire un pas en avant d'un point de vue technique et artistique.
Contrairement aux idées reçues, le premier long métrage d'animation de l'histoire du cinéma n'est pas Blanche Neige et les Sept nains mais El Apóstol, film muet argentin de 60 minutes réalisé par Quirino Cristiani et produit par Federico Valle en 1917. En 1931, Cristiani a également réalisé le premier dessin animé sonore en long métrage, Peludópolis. Ces deux films argentins ont été réalisés en papiers découpés. Avec la production italienne de 1936, Le Avventure di Pinocchio, ce sont donc trois longs métrages d'animation qui précèdent le classique de Disney. Blanche-Neige et les Sept nains est en revanche le premier long métrage d'animation au monde à la fois sonore et en couleurs.


Genèse du projet

En février 1917, Walt Disney, alors un adolescent de quinze ans, assiste à la projection d'une des nombreuses adaptation de Blanche Neige dans un cinéma de Kansas City. Produit par la Paramount Pictures et réalisé par J. Searle Dawley avec Marguerite Clark dans le rôle titre, ce film muet de six bobines est le point d'origine d'une idée qui commence à mûrir dans l'esprit de Disney : faire un long métrage d'animation.

À partir de 1924, Walt Disney se fait un nom dans le monde de l'animation grâce à plusieurs séries de courts métrages d'animations comme les Alice Comedies ou Oswald le lapin chanceux (Oswald the Lucky Rabbit) mais c'est avec Mickey Mouse, en 1928, et la série Silly Symphonies, en 1929, qu'il marque de son empreinte l'industrie. Walt Disney se consacre complètement à ses deux séries qui rencontrent un grand succès jusqu'en 1934, période où il envisage sérieusement de faire ce fameux long métrage.
En parallèle, il souhaite également développer son entreprise et diversifier ses activités. En effet, les courts métrages ne lui permettent pas de faire des bénéfices car les exploitants de salles ne délivrent qu'un faible pourcentage des recettes à l'inverse des films avec des vedettes telles que Charlie Chaplin ou Laurel et Hardy qui sont très bien rénumérés. C'est donc pour gagner plus d'argent, car seuls les produits dérivés de Mickey sont sources de revenu pour le studio, que Disney veut se lancer dans le grand bain.
En dehors de la raison pécuniaire, sa seconde motivation est artistique. Les courts métrages ne lui permettent pas l'approfondissement des personnages, du scénario ou du réalisme. La durée des courts métrages « l'empêche de s'échapper ».

Walt Disney décide alors d'investir sa fortune personnelle pour monter son projet, mettant en péril l'avenir de son studio. C'est au cours du printemps 1934 qu'il arrête son choix sur ce qui sera son premier long métrage et le premier d'animation hollywoodien, Blanche Neige et les Sept nains.


La « Folie Disney »

Le grand projet de Walt Disney, appelé dans un premier temps Feature Symphony, sera un prolongement de ce qui a déjà été fait avec la série Silly Symphonies. Ce sera un film où la musique aura une place prépondérante.
C'est après un dîner au restaurant qu'il a offert à ses chefs animateurs que Walt Disney leur annonce son projet ambitieux. Il est a ce moment dans un état d'excitation inhabituel et leur demande de le rejoindre dans le studio d'enregistrement. Il raconte alors à ses hommes l'histoire de Blanche Neige, mimant chaque scène, chaque personnage et fredonnant des chansons durant deux heures, et fini par leur déclarer : « ce sera notre premier long métrage ! ». Ce soir là, Walt Disney évalue le budget du film à 250 000 $.

Peu de temps après, le projet est rendu public et fait couler beaucoup d'encre. Le futur film est alors surnommé la « Folie Disney » par la presse qui pense que Walt Disney a perdu la raison. D'après certains « grands manitous » de Hollywood, les spectateurs ne tiendront pas aussi longtemps devant un dessin animé « sans devenir aveugle » et quitteront la salle avant la salle à cause de tout les gags qui jalonneront le film. Hal Thorne, responsable d'exploitation pour United Artists, distributeur du studio Disney, conseil à Walt Disney de « laisser dire toutes les choses possibles à propos du film tant que l'on parle du film ».


Silly Symphonies pour se faire la main

La série des Silly Symphonies permet au studio d'améliorer les techniques d'animation qui permettrons à Blanche Neige et les Sept nains de prendre vie. De nombreux nains et sorcières apparaissent alors dans les courts métrages du studio. Cependant, principalement trois épisodes sont réputés pour être des tests pour le film : The Goddess of Spring dans lequel l'apparence de Perséphone rappelle celle de Blanche Neige, Broken Toys où la future gestuelle de Blanche Neige est attribuée à la poupée aveugle et Le Vieux Moulin (The Old Mill) qui permet la finition de la caméra multiplane.

Pour élever le savoir-faire du studio et permettre au long métrage d'atteindre la qualité souhaité par Walt Disney, un programme de formation des animateurs est mis en place. Dans un premier temps, ce sont près de 300 artistes, pour la plupart au chômage à cause de la Grande Dépression et sans expérience de l'animation, qui sont engagés pour compléter les effectifs de la compagnie. Ces nouveaux animateurs sont alors pris en charge par Ben Sharpsteen et David Hand, deux valeurs sûres du studio, puis par Don Graham, un ancien professeur de dessin. Les nouveaux animateurs sont alors mis à contribution sur les Silly Symphonies qui permet de les tester. D'autres cours en interne sont instaurés pour étudier le mouvement et ainsi parfaire l'animation des personnages. Les animateurs observent alors des acteurs filmés en train de danser et bouger.


Des innovations technique

Un nombre important d'innovations ont été réalisées pour le film que ça soit dans la façon de filmer ou dans l'utilisation d'effets spéciaux d'animation. Beaucoup d'essais ont été nécessaires car la plupart des techniques étaient nouvelles ou mises au point pour la création du film.
Afin d'aider à l'animation des personnages humains, les animateurs utilisent le procédé de rotoscopie qui permet de calquer à partir des images d'un film en prises de vue réelles des éléments sur cellulos. Cette technique est surtout utile pour l'animation des personnages humains mais est toutefois critiquée par certains membre de l'équipe de Disney qui « déplorent que les animateurs en rendant si réalistes Blanche Neige et le Prince ont tourné le dos à l'essence de l'animation pour produire une pâle copie de la réalité ».

Pour surmonter le problème de profondeur de champ, Bill Garity, un technicien du studio, met au point la caméra multiplane. En effet, avant cette création, les cellulos sont superposés d'un décor qui s'agrandit autant qu'un personnage quand un gros plan est effectué.
La scène de la fuite de Blanche Neige dans la forêt, au début du film, a été rendu possible grâce à cette caméra qui a été expérimenté sur Le Vieux Moulin. On peut voir dans cette scène Blanche Neige courir au milieu de la faune menaçante sans pour autant prendre un chemin rectiligne. En effet, elle s'approche ou s'éloigne du spectateur en fonction des obstacles.

Pour parfaire le film et pour lui donner une identité propre, beaucoup de couleurs ont été spécialement créées pour Blanche Neige et les Sept nains mais d'un point de vu (encore) technique, ce sont les créations des spécialistes des effets spéciaux qui marquent une nouvelle étape dans l'animation. C'est ainsi que sont mis au point des effets pour simuler parfaitement une pluie d'orage ou un courant d'eau ainsi que la « peinture ombre » pour les ombres projetés par les personnages exposés à diverses sources de lumière (lanternes des nains rentrant de la mine, bougie utilisée par Blanche Neige dans la maison des nains, etc.).


Le scénario

Durant toute la pré-production, le scénario connait plusieurs versions et d'innombrables modifications. Comme le souhaitait Walt Disney au lancement de son projet, Blanche Neige et les Sept nains lui permet de développer suffisamment une histoire afin de donner une vraie profondeur à ses personnages. Cependant, en raison d'un nombre important de personnage influant sur le déroulement du film, de nombreux directeurs artistique sont nécessaire pour garder un certain équilibre de l'histoire. Quand au scénaristes, ils doivent concevoir les scènes de sorte qu'elles ne soient quasiment jamais centrées sur un seul personnage.
Pour Walt Disney, l'élément majeur de l'histoire est la relation entre la Reine et Blanche Neige. Certains éléments du conte sont ainsi supprimés (comme les différentes tentatives d'assassinats de Blanche Neige par la Reine) et d'autres créés de toutes pièces par le département des scénarios.

Le scénario de Disney est basé sur l'adaptation théâtrale de Winthrop Ames, jouée à Broadway en 1912, elle-même basée sur Schneevittchen de l'auteur allemand Karl August Goetner. Ces adaptations, pour éviter les temps morts, incluaient la transformation de la Reine en sorcière qui n'est pas développée dans le conte original. Disney mêle aussi des éléments de l'adaptation théâtrale Peter Pan jouée en 1905 à Broadway avec Maud Adams, dont le costume est similaire à celui de Marguerite Clark et de sa Blanche Neige. De Peter Pan, Disney reprend le caractère maternelle de Wendy pour Blanche Neige. D'autres références à des contes sont repris comme la jeune fille en guenilles lavant la maison, emprunté à Cendrillon ou le doux baiser du Prince éveillant la jeune femme endormie dans La Belle au bois dormant.


La musique

Dès la conception des courts métrage de Mickey Mouse, Walt Disney est convaincu de l'importance d'intégrer à l'histoire la musique et les chansons. Dès les premiers jets du scénario de Blanche Neige et les Sept nains, plusieurs chansons sont déjà prévus dont la célèbre Un jour mon prince viendra.

À l'origine où cette chanson intervient, la séquence est constituée d'une scène de rêve mais Walt Disney décide de la supprimer. Il considère que la réaction des nains à l'écoute du souhait de Blanche Neige est plus importante que la visualisation du fantasme de la Princesse.
Le principal souci de Disney et son équipe est de s'assurer que chaque chanson permette de raconter l'histoire. C'est ainsi que Larry Morrey, l'un des compositeurs des chansons du film, travail en tant que responsable de séquences afin qu'il y ait osmose entre le travail des animateurs et celui des compositeurs.

Au final, c'est pas moins de vingt-cinq chansons qui sont écrites pour le film avant que Walt Disney ne choisisse les 8 de la version finale.


Le style du film

La première étape de l'équipe de Disney est de trouver les idées graphiques qui donneront l'identité du film. Chaque dessinateur laisse libre cours à son imagination, offrant ainsi une bonne base de travail pour la suite du processus avec un grand nombre de concepts qu'ils appellent « esquisses inspirées ». Ensuite vient l'étape du storyboard, mis au point par le studio pour ses productions précédentes, où le film prend réellement forme et où il est maintenant possible de voir l'évolution des personnages et des séquences. Cette étape permet de faire le tri dans les idées et ainsi supprimer ce qui semble superflu ou irréalisable.

Pour assurer le réalisme, des modèles de personnages et des décors sont fabriqués en trois dimensions. Chaque détail est ainsi pris en compte. Avec Blanche Neige et les Sept nains, le travail des animateurs évolue par rapport à ce qu'ils ont l'habitude de faire. Les dessins animés précédents sont très burlesques et agressifs, et il faut maintenant concevoir une animation basée sur un comportement plus sensible et subtil.

Blanche Neige et les Sept nains doit son aspect graphique principalement à l'Europe. Cette identité s'explique simplement par le fait que Walt Disney, qui est d'origine irlandaise, a dans son équipe des artistes d'origine européenne comme Gustaf Tenggren (suédois), Albert Hurter (suisse) ou encore Ferdinand Horvath (hongrois).
Gustaf Tenggren a rejoint Disney en 1936 en tant que directeur artistique pour Blanche Neige et les Sept nains. Pour le film, il a retranscrit le paysage des forêts suédoises pour les scènes d'extérieur ainsi que les sculptures en bois répandus en Scandinavie au travers de celles du chalet des nains. Il est également l'auteur de l'affiche originale du film. Pour son travail, il s'est inspiré de l'illustrateur britannique Arthur Rackham. Albert Hurter a rejoint Disney en 1931. Il avait une formation artistique classique et avait une grande connaissance de l'histoire de l'art. Il est certainement l'artiste le plus influent lors de la conception du film  et est consulté pour approuvé le moindre choix artistique, que ce soit pour une maquette ou pour les vêtements des personnages. Selon Disney, Hurter était celui qui avait le dernier mot en ce qui concerne l'environnement féerique imprégnant le film.


Les décors

Les arrières plans créés par Samuel Armstrong et son équipe sont des mondes qui semblent avoir leur propre histoire. Ces décors influencent directement les personnages, comme peuvent le faire de vrais décors dans un long métrage classique. L'environnement est aussi expressif que la gestuelle des personnages.

Une fois qu'une scène de l'histoire est approuvée, un artiste crée un dessin au crayon (appelé maquette) qui sert de projet pour la composition de la scène. La maquette est composée de plusieurs couches sur lesquelles sont isolés les différents éléments de la scène (par exemple, sur une couche est représenté une table, et sur une autre un objet censé se trouver sur cette table). Le but de la maquette est de déterminer l'emplacement de l'action et le mouvement de caméra qui sera utilisé. Les maquettes sont ensuite utilisées pour positionner les personnages et servent de modèle pour colorer les arrière-plans définitifs.


Les personnages

Pendant que les scénaristes finalisent l'histoire, une autre équipe travaille sur le physique et le comportement des personnages d'après des notes existantes depuis le début de la production :
*Blanche Neige doit ressembler à une Janet Gaynor de 14 ans ;
*le Prince doit ressembler à un Douglas Fairbanks de 18 ans ;
*la Reine doit être un mélange de Lady Macbeth et du Grand méchant loup.

Walt Disney choisit ensuite avec précaution les animateurs en charge de l'animation des personnages, souvent conçus par d'autres : la Sorcière de Joe Grant confiée à Norman Fergusson, le Miroir à Wolfgang Reitherman, Blanche Neige à Hamilton Luske et Jack Campbell, le Prince à Grim Natwick, Simplet à Fred Moore ou Grincheux à Bill Tytla.

Les acteurs choisis pour interpréter les personnages sont pour la plupart des personnalités de la radio, du théâtre ou du cinéma.

Blanche Neige
Fin 1935, Walt Disney nomme Norman Ferguson, Hamilton Luske, Fred Moore et Bill Tytla pour superviser l'animation de Blanche Neige.
Chaque illustrateur a sa propre vision et les premiers croquis ne correspondent pas à l'attente de Disney qui les trouve trop caricaturaux et ressemblant de trop près à des personnages existants comme Betty Boop. Mais au fil des créations, les dessins deviennent plus originaux. Hamilton Luske avait déjà commencé à travailler sur un personnage féminin très réaliste avec Perséphone dans The Goddess of Spring, mais qui n'était pas encore assez convaincant pour Walt Disney. Luske avait également réalisé un personnage aux expressions faciales très poussées avec Jenny Wren dans Qui a tué le rouge-gorge? (Who Killed Cock Robin?).

Parmi les nombreuses actrices auditionnées pour la voix de Blanche Neige, Walt Disney choisit Adriana Caselotti, une jeune chanteuse formée à l'opéra. Elle donne une impression de conte de fée surnaturel que recherche Disney pour son personnage principal. Adriana Caselotti se souvient : « Mon père enseignait le chant à Los Angeles et un jour un collaborateur de Walt Disney l'a appelé pour lui demander s'il connaissait une jeune fille pouvant chanter et parler avec une voix enfantine. J'ai entendu la conversation sur un autre téléphone et j'ai dit à mon père que c'était tout moi ! ». Adriana Caselotti enregistre sa partie vocale en quarante-quatre jours, répartis sur les deux années qui suivent son engagement.

La Reine
Le personnage de la Reine est l'un de ceux qui a le plus évolué au fil de la production. Elle passe, sur les premiers concepts, d'une personne enrobée et pas très jolie à une femme belle mais au tempérament glacial. Graphiquement l'aspect de la Reine en sorcière est très proche de celle des Enfants des bois (Babes in the Woods). Pour son aspect, les dessinateurs se concentrent sur une approche réaliste du mal et du danger afin de la rendre la plus crédible possible. Elle doit être « froide, cruelle, malicieuse et extrême ».
Pour imaginer la silhouette et le visage de la Reine, Walt Disney s'est inspiré de l'actrice Joan Crawford.

Lucille La Verne, choisi pour interpréter la Reine et la Sorcière, est connue pour ses interprétations de sorcières dans Les Deux Orphelines (Orphans of the Storm) ou Le Marquis de Saint-Évremont (A Tale of two Cities) dans lesquelles elle avait un « rire très cruel ». D'abord choisie pour interpréter la Reine, elle se propose pour interpréter également la Sorcière. Elle convainc Walt Disney en retirant son dentier et en ricanant cruellement. Elle a aussi servi de modèle vivant pour le personnage animé ; Bill Cottrell se souvient « qu'elle était si convaincante lors des enregistrements que lorsqu'elle déclama en lisant le script "Un verre d'eau, s'il vous plaît, un verre d'eau", un assistant se précipita pour aller en chercher un ». L'inspiration pour dessiner la Sorcière est venu après que Joe Grant ait croqué l'actrice sans son dentier.

Les nains
Le côté comique et « cartoonesque » du film est réservé aux nains. C'est à l'élaboration du storyboard que les gags sont insérés dans l'histoire. Walt demande à toute son équipe de participer à l'élaboration de gags et particulièrement ceux mettant en scène les nains. Pour motiver ses animateurs, Disney lance une prime de cinq dollars pour les plus drôles.

Le noms des nains a souvent été un problème pour l'adaptation du conte, car ils ne sont pas définis et presque réduits à des présences fantomatiques. Les équipes de Disney choisissent alors des noms, principalement liés à des humeurs ou des états d'esprits. Parmi les premiers manuscrits de production de Disney, l'un définit les noms et les caractéristiques des nains, plusieurs noms sont ainsi listés dont Sleepy, Hoppy-Jumpy, Bashful, Happy, Sneezy-Wheezy, Gaspy, Biggy-Wiggy, Biggo-Ego ou Awful. D'autres noms, au total plus de 50 propositions, ont aussi été suggérés comme Jumpy, Deafy, Baldy, Gabby, Nifty, Swift, Lazy, Puffy, Stuffy, Tubby, Shorty et Burpy.

Pour interpréter les nains, Disney veut des voix singulières et identifiables immédiatement. Billy Gilbert connu pour sa mimique d'éternuement dont c'est sa spécialité, joue Atchoum. Il aurait appelé Walt Disney pour une audition après avoir lu dans le magazine Variety qu'un des nains portait ce nom. Il éternua une douzaine de fois devant Disney qui lui signifie immédiatement « vous avez le rôle ».
Roy Atwell, un vétéran du vaudeville, est choisi pour jouer Prof grâce à son maniement des contrepèteries qu'il utilisera pour le personnage.
Otis Harlan et Scotty Mattraw, deux acteurs vétérans, jouent Joyeux et Timide.
Pinto Colvig qui est la voix officielle de Dingo depuis 1932 et de Pluto (les aboiements du moins) est choisi pour jouer Dormeur et Grincheux. Son interprétation de Grincheux lui permet d'étendre un peu plus son registre car le personnage nécessite une approche différente de ceux dont il avait déjà donné sa voix.
Le cas de Simplet est plus simple : il semble muet mais ne l'est peut-être pas, ce qui est résumé dans le film par la phrase « Il ne sait pas, il n'a jamais essayé ». Son apparence a été esquissée d'après le comédien Eddie Collins, qui lui a aussi donné sa « voix ». Suite à une suggestion d'un membre du studio, des animateurs sont allés voir Collins à un spectacle et l'ont ensuite invité. Après une séance de tests, filmée, la personnalité de Simplet est trouvée, et en plus toutes les propositions de Collins sont appliquées.


L'animation

La partie la plus difficile de la production, et qui préoccupe le plus Walt Disney, est l'animation des personnages humains. La rotoscopie est utilisée et des acteurs réels sont filmés, et des crayonnés sont calqués sur les images afin d'augmenter le réalisme.

Depuis la naissance l'animation, les personnages sont des animaux ou objet anthropomorphes mais très peu sont réellement humains. Walt Disney justifie l'animation des animaux ainsi : « Il est facile d'animer des animaux. Le public n'est pas habitué avec les points de détail de leurs mouvements, ainsi un semblant de mouvement animal peut être convaincant ». Pour les humains, chaque élément, chaque geste, chaque détail est ancré dans le subconscient du spectateur et l'absence d'un seul le choquerait.

Après des tests comme dans The Goddess of Spring et Carnaval des gâteaux (The Cookie Carnival), ils ont simplement tenté d'être le plus vraisemblable possible. Car il ne semblait pas possible de faire accepter au public des expressions ou des mouvements déformés, presque caricaturaux, comme ceux utilisés pour les nains. Les prises de vue réelles avec des acteurs n'ont alors servi que de guide.

Le Prince n'apparaît que dans deux courtes scènes, au début et à la fin du film, car il avait un aspect « insupportablement coincé » et non satisfaisant pour lui donner une plus grande importance dans le film.

Toutes les étapes de la production ont tenté d'améliorer le naturel de ces personnages. Ainsi, alors que Walt Disney trouve que le visage de Blanche Neige manque de relief, les artistes du département encre et peinture suggèrent d'ajouter une teinte de rouge sur les pommettes de Blanche Neige, du far à joues, délicatement déposée par frottement sur les cellulos ainsi qu'un coup de pinceau sec (pour enlever la peinture) sur les bords de la chevelure noire afin d'adoucir le contraste avec la couleur crème choisie pour la peau. Mais Disney reste perplexe devant cette surcharge de travail et accepte finalement quand les employées lui ont affirmé déjà le faire chaque matin.

Le graphisme des nains est aussi un défi mais d'une autre nature. Ils sont sept et, à la différence du conte d'origine, chacun doit avoir sa propre personnalité. La première étape est le choix des noms puis d'établir les détails de leur personnalité. Un des principaux souhaits semble être leur côté « mignon » mais aussi leur posture : « La posture était aussi un facteur important de la personnalité des nains. Prof se tient en arrière avec les mains dans le dos dès que possible, ce qui lui donne son air pompeux. Le dos de Timide est un peu voûté et son ventre sorti. Il se tient souvent sur un pied et roule l'autre pied autour de sa cheville... Grincheux a une bosse sur les épaules et une démarche qui lui donne des airs de pugiliste ».

Les Clark a en charge d'animer la scène où trois nains dansent avec Blanche Neige. La difficulté est « de rendre la dimension de la pièce et des tailles des personnages au travers de leurs mouvements ». Pour Blanche Neige qui rapetisse ou grandit selon son éloignement de la caméra, Clark s'aide vraisemblablement des prises de vues réelles avec Marge Champion, mais il doit improviser pour les nains.

Toutefois, la représentation de la Reine/Sorcière semble « être l'un des personnages antipathiques les plus réussis et les plus populaires ». Parmi les personnages féminins de Disney, la Reine/Sorcière est la seule mêlant la femme fatale, la sorcière comme Maléfique dans La Belle au bois dormant (Sleeping Beauty), la marâtre comme Lady Tremaine dans Cendrillon (Cinderella). Il ne lui manque plus que l'outrance de Cruella d'Enfer dans Les 101 Dalmatiens (One Hundred and One Dalmatians).


La couleur

En décembre 1936, Walt Disney indique à ses animateurs qu'il vient de visionner un court métrage sur le printemps du Harman-Ising Studio mais qu'il « trouve une certaine profusion de la couleur et que cela donne un aspect pauvre car sans aucune subtilité ». Il leur demande « de parvenir à une certaine profondeur et à un certain réalisme ». Disney décide donc de ne pas utiliser la gamme habituelle et réduite de couleurs brillantes des courts métrages. Il utilise un panel plus large dans la plupart des séquences, ce qui donne un aspect plus réaliste et profond. Des éléments ont subi des traitements plus poussés que ceux des courts métrages. Ainsi, sur les bords des objets ou des personnages, des ombres ont été apposées par aérographe.

John Grant ajoute aussi de nouvelles couleurs spécialement « développées à un coût considérable » pour donner une texture à certains objets comme les vêtements. Ce sont des mélanges de peinture utilisés pour accentuer le volume (on parlerait de nos jours de peintures à effets de dégradés).

Les premières couleurs utilisées pour la robe de Blanche Neige sont différentes de celles de la version finale. En fonction du rendu à l'écran avec le procédé Technicolor, ces couleurs évoluent sans arrêt pour aboutir au résultat que l'on connaît. Les mêmes essais de couleurs sont faits pour les nains et seul Prof conserve finalement ses couleurs d'origine. À quatre mois de la sortie du film, le choix des couleurs des costumes des personnages n'est toujours pas définitif et fait l'objet de nombreux tests.


Fin de production


Le film a nécessité quatre années de préparation, le développement du scénario, des personnages et des technologies a pris plus de trois ans, tandis que 800 kilomètres de papier ont été utilisés pour plus de 2 millions de croquis et dessins. L'animation proprement dite, la photographie et le montage ont été réalisés entre dix et douze mois.

La production a nécessité plus de 750 artistes dont des sous-traitants, anciens animateurs de Disney. L'effectif du studio s'est accru de plus de mille personnes. En 1937, Walt Disney demande même au Harman-Ising Studio, créé par Hugh Harman et Rudolf Ising (animateurs ayant travaillé pour lui avant 1928, et alors en difficulté financière), de prendre en charge la production des Bébés de l'océan (Merbabies) et d'aider à celle de Blanche Neige et les Sept nains. Durant les six derniers mois de production, les animateurs travaillent le week-end et dorment parfois au pied de leurs planches à dessin.

Le budget du film initialement prévu en 1934 était de 250 000 $ avec un Disney « espérant un maximum de 500 000 ». Mais au final, il s'approche des 1,5 million de dollars. Le coût de production estimé est de 200 $ le pied de pellicule, à comparer aux 50-75 $ pour les courts métrages (et 3 cents par le premier studio de Walt Disney, Laugh-O-Grams).

Afin de trouver des fonds pour terminer le film, Disney présente un extrait non finalisé aux responsables financiers de la Bank of America. Cet extrait comporte des séquences en couleur, d'autres encore de simples esquisses, une sonorisation incomplète que Disney comble en direct. C'est sous la pression des banquiers que Walt Disney s'engage à sortir le film avant Noël 1937.

Autre élément lié à la nécessité de trouver des fonds, Walt Disney abandonne les droits de publication des musiques de Blanche Neige et les Sept nains à l'éditeur Bourne Music Company qui les détient encore de nos jours ainsi que les prochains droits musicaux sur Pinocchio et Dumbo.

Le 7 juillet 1937, une projection de la copie de travail est effectuée au studio durant laquelle le personnel est soumis à un questionnaire. Le lendemain Walt Disney reçoit un mémo de l'un de ses employés qui dit : « l'accueil du film par le public endurci du studio a été enthousiaste, pour donner une petite idée de ce qui se produira dans les cinémas ». Au même moment, Bill Garity filme les différents départements du studio en train de travailler, des images que la RKO Pictures utilise pour illustrer le processus de fabrication de Blanche Neige et pour faire la promotion du film.

Dans les deniers mois, c'est Disney lui-même qui se charge du montage du film, effectuant ainsi les coupes qui lui semblent nécessaires. Le film terminé est présenté pour sa première au Carthay Circle Theater de Hollywood le 21 décembre 1937, où toutes les personnalités hollywoodiennes se retrouvent. La projection est un triomphe avec un public conquis et ému par ce qu'il a vu. À la fin de la représentation, le public fait à Blanche Neige et les Sept nains une standing ovation, mais c'est sans compter sur les 30 000 badauds attroupés devant le cinéma déjà complet. C'est le plus important succès du cinéma jusqu'à la sortie de Autant en emporte le vent (Gone with the Wind) en 1939.

L'exploitation en salles aux États-Unis et au Canada engendre à elle seule, à la fin de l'année 1938, 4,2 millions de dollars et 8 millions au final. Le film rapporte en première semaine 108 000 et 110 000 $ durant la seconde. Il faut aussi prendre conscience qu'en 1938 les spectateurs mineurs ne paient leur place que 10 cents et les adultes 33.
Cet argent permet à Walt Disney de faire construire un nouveau studio, un complexe bâti sous la forme d'un campus, les Walt Disney Studios à Burbank. En 1993, après huit ressorties, le total des bénéfices s'élève à plus de 80 millions $.

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Sources:
Archives DVD, Aux origines de l'œuvre : La Production de « Blanche Neige et les Sept nains » ;
Archives DVD, Le style de « Blanche-Neige et les Sept nains » ;
Archives DVD, Les décors et la composition de l'image ;
Archives DVD, Les essais de couleurs et de caméra ;
Archives DVD, Les voix originales ;
Documentaire, Making of de « Blanche-Neige et les Sept nains » de Harry Arends ;
Livre, Disney A to Z: The Updated Official Encyclopedia de Dave Smith ;
Livre, The Encyclopedia of Walt Disney's Animated Characters de John Grant ;
Livre, Snow White and the Seven Dwarfs de Richard Holiss et Brian Sibley ;
Livre, Disney's Art of Animation de Bob Thomas ;
Livre, Walt Disney, l'âge d'or de Pierre Lambert ;
Livre, The Art Of Walt Disney de Christopher Finch ;
Livre, Walt Disney and Europe de Robin Allan ;
Livre, Notre Ami Walt Disney de Christopher Finch ;
Livre, Disney Animation : The Illusion of Life de Frank Thomas et Ollie Johnston ;
Livre, The Disney That Never Was de Charles Salomon ;
Livre, The Disney Films : 3rd Edition de Leonard Maltin ;
Livre, Walt Disney's Silly Symphonies de Russel Merritt et J.B. Kaufman ;
Livre, Mouse Under Glass de David Koenig ;
Livre, Quintessential Disney : A Pop-Up Gallery of Classic Disney Moments de Robert Tieman ;
Livre, Il était une fois Walt Disney : Aux sources de l'art des studios de Robin Allan ;
Livre, The Disney Villain de Frank Thomas et Ollie Johnston ;
Livre, Walt Disney : 100 ans de magie de Dave Smith et Steven Clark ;
Livre, Mouse Tracks : The Story of Walt Disney Records de Tim Hollis et Greg Ehrbar ;
Livre, Hollywood Cartoons de Michael Barrier ;
Livre, Animation et propagande de Sébastien Roffat ;
Site internet,
The Walt Disney Family Museum  ;
Wikipédia où j'ai assisté et aidé, sous le pseudonyme In the laps of the gods, le principal auteur de
la page consacré au film.

Mise en ligne : 14 avril 2009
Mise à jour : 7 mai 2009